Une salle avait été ouverte en l'honneur d'Adonis van Entken, Empereur et Impératrice d'Entken. Les discussions en son intérieur allaient promettaient d'être houleuses. Avant que quiconque n'ait pu prendre la parole, quelqu'un frappa à la porte. L'Empereur l'ouvrit. Le stratège et le premier Lieutenant de l'Empire se tenaient sur le seuil, le poing levé, prêts à frapper une nouvelle fois le bois clair.
- Entrez...
Les deux hommes entrèrent silencieusement. Peut-être qu'enfin connaître une partie de l'histoire de l'Empereur déciderait les membres du Triskell...
Arthan van Hesse, le stratège impérial, se tenait debout devant eux. Son regard profond errait au-delà des limites infinies de la galaxie. Il semblait perdu dans ses pensées, essayant de rattraper quelque souvenir échappé de sa mémoire afin de dévoiler, enfin, le parcours étrange et funeste de l'Empereur Adonis van Entken.
A ses côtés se tenait le premier Lieutenant de l'Empire: le jeune Jarod van Aesch. L'Empereur était appuyé à son habitude, dos au mur. Il regardait la scène à travers son masque gris. Ses yeux ne quittaient pas son stratège d'une seconde.
Le visage caché dans l'ombre, le stratège impérial prit une grande inspiration et commença son récit, les yeux toujours fixés sur un point situé au-delà du soleil qui déclinait à l'horizon.
- Il y a de cela une vingtaine d'années, prospérait au milieu de la galaxie, un immense et riche Empire. Un Empire dirigé par un Roi mou et gras qui ne pensait guère à autre chose que son ventre rebondi. La Reine, bien qu'irresponsable et stupide, l'aidait au mieux dans ses tâches quotidiennes.
Ces deux royales personnes ne vivaient que pour l'argent et la fête. D'immenses orgies étaient organisées dans le parc du château chaque semaine. Ils vivaient heureux et comblés, entourés de leurs ministres et de leurs multiples serviteurs dans la paix et l'harmonie la plus parfaite.
Un jour cependant, la Reine tomba enceinte. Cela signifiait purement et simplement la fin de la luxure et des orgies dans lesquelles son mari et elle-même vivaient. En effet, un enfant exigerait de leur part, une attention et une responsabilité dont ils ne désiraient pas faire preuve.
Neuf mois plus tard, la Reine accoucha en secret d'une petite fille que ses parents ne préférèrent pas nommer de peur de s'y attacher.
L'enfant fut enfermée dans une des nombreuses caves du château. Un lieu noir et froid qui ne contenait pour seule distraction qu'un vieux tableau poussiéreux qui représentait un lys devant un étrange château noir dont les tours triangulaires, au nombre de dix-neuf, s'élançaient vers le ciel avec une grâce inquiétante.
La petite fille passa les cinq premières années de sa vie enfermée dans ce cachot humide. Une vieille servante lui apportait quotidiennement de l'eau et un morceau de pain qu'elle trouvait quelque part.
Peu à peu, les gens du château l'oublièrent et la vie recommença comme d'ordinaire.
La petite fille restait des heures entières, assise devant le tableau qui ornait les murs de la cave. Elle le contemplait, essayant d'imaginer le monde extérieur, s'inventant des histoires étranges.
Elle était souvent prise de crises d'angoisse, de colère ou de folie qui la menaient à frapper la porte de ses petits poings blancs et à hurler des mots sans suite à travers la cave. Puis elle se calmait et restait allongée à même le sol glacé de la pièce, chantonnant des mélodies étranges et sans queue ni tête.
Peu à peu, son comportement changea. A sept ans, elle ressentait en elle une cruauté et un cynisme presque inhumain. Elle pouvait pleurer et supplier la porte de s'ouvrir comme éclater d'un rire diabolique et torturer par tous les moyens possibles et imaginables les monstres qui l'avaient enfermée là.
Son esprit commençait à se dissocier d'une manière inquiétante. Parfois gentil et doux, parfois cruel et diabolique.
A neuf ans, cette séparation prit fin. Son âme était partagée en deux parties bien distinctes qui pouvaient, non seulement communiquer entre elles, mais aussi prendre tout à tour possession de son corps menu.
La partie cruelle de son être avait l'étrange particularité de se comporter comme si elle était de sexe masculin.
Cette petite fille était ce que le monde en avait fait: une enfant atteinte de folie chronique et de schizophrénie.
Pendant ce temps, moi, Arthan van Hesse, je grandissais en compagnie de mon ami Jarod van Aesch. Nous avions onze ans à cette époque.
Nous étions de sang noble et habitions par conséquent au château.
Le stratège impérial s'arrêta quelques instants et regarda l'homme qui se tenait à côté de lui. Le Lieutenant Jarod van Aesch. Ils auraient pu être frères tant ils se ressemblaient. Tous deux blonds, grands, yeux marron, regard haut et fier...
Le Général van Hesse reprit son récit d'une voix neutre.
- Un jour, Jarod et moi-même faisions une partie de cache-cache dans les souterrains du château quand nous entendîmes des supplications et des prières montants d'une des caves. Nous nous approchâmes. La clé était sur la porte et je la tournai sans aucune difficulté.
A peine la porte s'ouvrait que je fus agressé par la chose cachée dans le cachot. Après une bataille sans merci, Jarod et moi la maîtrisâmes.
Nous la tirâmes hors du souterrain jusqu'à la lumière du jour.
Ce n'était pas une chose... mais un être humain, une petite fille de neuf ans. Ses cheveux blonds tombaient devant ses yeux qu'elle gardait fermés. Elle ne supportait visiblement pas la lumière du soleil.
Abasourdis, nous nous regardâmes. Jarod commença à la harceler de questions.
- Qui es-tu? Que fais-tu dans cette cave? D'où viens-tu?
La petite fille n'avait pas de nom mais, dans son désespoir, ce qu'elle était lui était clairement apparu. Elle ne savait pas qui elle était ni d'où elle venait mais elle savait ce qu'elle était.
Elle ouvrit grand les yeux et Jarod recula, horrifié. Elle avait un regard inhumain, glacé et cruel. Ses yeux étaient bleus, froids comme la glace et cyniques.
Elle ouvrit sa petite bouche ronde et méprisante et lui répondit d'une voix ironique et métallique qui ne correspondait pas du tout à son profil angélique.
- Je suis Adonis van Entken, futur dirigeant du monde.
- Jarod et moi échangeâmes un regard inquiet. Qui était-elle et pourquoi parlait-elle d'elle au masculin?
Sans prévenir, son visage changea, ses yeux s'agrandirent et devinrent d'une douceur inimaginable,. Elle hésita puis repris d'une voix douce et calme.
- Je suis Adonis van Entken...
- Nous comprîmes au bout de quelques minutes qu'elle souffrait de troubles du dédoublement de la personnalité. La moitié d'elle voulait diriger le monde et l'autre, simplement aider et aimer les gens.
Cependant ni l'une ni l'autre de ses personnalités ne cherchaient à dominer l'autre. Le tout formait un ensemble étrange nommé Adonis van Entken.
Nous devînmes rapidement amis. Nous lui rendions visite chaque jour dans sa cave. Nous lui faisions découvrir le monde et lui apprenions tout ce qu'elle n'avait pas eu l'occasion de savoir.
Nous jouions, parlions et nous amusions toute la journée. Le matin, elle nous attendait derrière sa porte, poussant une exclamation de joie en entendant nos pas sur la pierre froide de la cave.
Elle avait une ouïe extraordinaire. Ce devait être pour compenser sa vue qui avait de la peine à s'adapter devant toutes les couleurs du monde.
Elle nous avait demandé de nous renseigner afin de connaître son histoire. Le jour de ses douze ans, nous lui avions appris la vérité.
Je ne l'avais jamais vue aussi furieuse. La colère et la rage brillaient dans ses yeux d'une lueur éclatante et maléfique. Elle semblait déterminée à se venger.
Le jour suivant, elle semblait avoir oublié sa colère et nous pûmes continuer à nous amuser ensemble.
Six mois après cet incident, Adonis disparut brusquement pendant une de nos partie de cache-cache dans les souterrains. Nous la cherchions quand de terribles cris retentirent au château.
Nous courûmes à l'ambassade. La porte était entre ouverte.
Je l'ouvris complètement et mon cœur fit un bond dans ma poitrine.
Derrière moi, Jarod tomba à genoux le souffle coupé. Je m'accrochai à la poignée de la porte pour ne pas tomber.
A l'intérieur de la pièce s'étendait un carnage sans nom. Des dizaines d'hommes et de femmes gisaient sur le sol, poignardés.
Le Roi et la Reine étaient étendus sur la table, la tête tranchée. Leur sang se répandait sur le bois clair et coulait jusqu'au sol, formant d'immenses flaques rouges.
Au fond de la pièce, une petite silhouette se découpait dans la lumière de la fenêtre.
Enjambant les cadavres, je m'en approchai et posai la main sur l'épaule d'Adonis. Elle se retourna et me regarda droit dans les yeux en souriant. Un sourire satisfait et machiavélique.
Sa robe blanche était tachée de sang. Elle tenait une épée d'argent entre ses mains. La lame était couverte de sang. Elle brillait de manière malfaisante dans la lueur déclinante du jour.
Sans un mot, je pris la main d'Adonis et sortis de la pièce, l'entraînant, elle et Jarod vers la piste d'atterrissage de l'Empire.
Je pris en passant une tunique noire et un masque d'albâtre grise et, afin qu'on ne la reconnaisse pas, j'en revêtis Adonis.
- Il faut qu'on s'en aille. On ne peut pas rester ici. C'est fini maintenant.
Jarod semblait sous le choc. Il fallait que je les entraîne loin d'ici avant que les gardes ne s'aperçoivent qu'Adonis vivait encore.
Sans un mot, nous partîmes.
Personne ne parla pendant le voyage. Arrivés à court de nourriture, nous dûmes nous arrêter sur une terre inoccupée.
Après être descendus, Adonis planta son épée sanglante dans la terre humide et hurla.
- C'est ici que je fonde l'Empire d'Entken dont Moi, Adonis van Entken serai l'Empereur. Ensemble nous dirigerons le monde!
- Nous restâmes silencieux. Le vent battait la campagne claquant sèchement dans la tunique noire du nouvel Empereur.
Nous allions partir de rien...
Après plusieurs mois, on tailla le gigantesque château d'Entken dans de l'obsidienne noire. Il comprenait dix-neuf tours triangulaires. Chacune plus haute que l'autre. Puis fut aménagé un jardin de lys qui entourait le château de ses couleurs chatoyantes.
Enfin fut bâtie la ville d'Entken. Aussi blanche et pure que l'autre personnalité de l'Empereur.
Sept ans après le drame et la création de l'Empire d'Entken, nous voilà enfin prêts à entreprendre la conquête du monde. Nous réaliserons le rêve de l'Empereur même s'il nous faut mourir pour cela.
Telle est notre destinée.
Le stratège se tut. Il posa enfin les yeux sur les membres de la légion.
Adonis van Entken était toujours appuyé contre le mur. Il ferma les yeux. Son histoire défilait derrière ses paupières clauses. Il savait que tout ce qu'il avait accompli jusque là, il le devait à ses deux officiers, ses amis. Il leur devait tout. Jamais il ne l'oublierait.
HRP/ Ce n'est qu'après que la séparation de l'âme eut lieu. Maintenant, il existe un Empereur et une Impératrice d'Entken, possédants chacun une moitié d'âme. Vous me pardonnerez, si je faisait tout ceci en Rp j'en aurait encore pour plusieurs pages...
Jeu 23 Oct - 18:46
